Camille DIEU et moi avons questionné ensemble la Ministre en charge de la SNCB sur le projet tramways entre Valenciennes et Quiévrain. Voici le compte rendu de notre échange en commission
Questions jointes de
– Mme Camille Dieu à la ministre de la Fonction publique et des Entreprises publiques sur « la liaison ferroviaire Mons-Quiévrain-Valenciennes »
– M. Eric Thiébaut à la ministre de la Fonction publique et des Entreprises publiques sur « le projet de tramway reliant Valenciennes à Quiévrain »
Camille Dieu (PS): Monsieur le président, madame la ministre, le dossier en question remonte à quelques années déjà. En effet, la liaison entre Quiévrain et Valenciennes est une ancienne revendication tant des usagers que des cheminots belges.
Un article intitulé « Les petites lignes de chemin de fer renaissent à la périphérie des villes », paru dans « Le Monde » du 6 avril 2005, livrait la liste des réouvertures françaises, dont celle de la ligne ferroviaire Quiévrain-Valenciennes.
En mai 2005, j’interrogeais le ministre de l’époque, à savoir M. Landuyt. Il me répondit qu’une étude sur la réouverture de cette ligne était reprise au contrat de gestion de la SNCB. Cette étude concernait essentiellement le trafic voyageurs et devait redémarrer dans un avenir proche, à la suite du lancement par la SNCF d’un cahier spécial de charges relatif à la finalisation du dossier. Bien entendu, plusieurs mois étaient nécessaires à l’obtention d’un résultat concret.
M. Landuyt ajoutait à l’époque que B-Cargo était intéressée par le projet et en effectuait la promotion auprès des instances locales, régionales, syndicales, nationales, belges et françaises depuis quatre ans. M. Landuyt nous précisait également qu’il souhaitait mettre en œuvre le plus rapidement possible un projet marchandises peu coûteux, dont les résultats seraient immédiats, sans attendre ceux de l’étude voyageurs de plus grande envergure.
En 2006, j’interrogeais le ministre Tuybens sur le même dossier. Il me répondit que le réseau ferroviaire français avait désigné un consultant privé, qui avait pris contact avec la SNCB et Infrabel afin de disposer d’une étude technique (coûts, etc.).
M. Tuybens me précisait alors que la SNCB et Infrabel avaient participé à une réunion du comité de pilotage en décembre 2005 à la sous-préfecture de Valenciennes en présence des forces vives régionales. Il apparaissait que la région Nord-Pas-de-Calais, la chambre de commerce ainsi que d’autres intervenants, dont B-Cargo, insistaient sur la réouverture de cette ligne tant pour le fret que pour le trafic voyageurs.
Les travaux étant de faible importance, selon M. Tuybens, la Belgique devait prévoir un budget de 2 millions d’euros. Les travaux pouvaient être terminés en 2010.
Du côté français, on a lancé la concertation publique sous l’égide de Valenciennes Métropole. M. Borloo, ancien maire de Valenciennes et actuel président de « Valenciennes Métropole », rêvait de mettre ce tronçon en service. Ce dernier n’avait plus été utilisé depuis 1954.
Si vous habitez Valenciennes et que vous vous rendez à Bruxelles, soit vous devez passer par Lille, ce qui est une absurdité, en accomplissant une « marche d’Echternach » et en prenant un TGV, soit vous passez par Quiévrain. La remise en service du tronçon Quiévrain-Valenciennes présentait tous les avantages.
Depuis octobre 2006, le projet français a évolué à son tour. Vu le succès du tramway à Valenciennes, la France avec le soutien du fonds FEDER, préfèrerait miser sur l’intermodalité puisque le tramway remplacerait le train et irait en 2011 jusqu’à la gare de Quiévrain, reliant ainsi Bruxelles à Valenciennes, ce qui représenterait de toute façon 13 kilomètres de voie à créer.
Je voulais connaître votre sentiment à cet égard. Etes-vous favorable à la remise en service de la liaison Quiévrain-Valenciennes pour lequel l’investissement du côté belge est très réduit puisqu’il y a moins d’un kilomètre de voie ferrée entre Quiévrain et Blanc Misseron à la frontière? Le tramway ne concernant que les voyageurs et pas le fret, savez-vous si la France est toujours intéressée par une exploitation de cette liaison ferroviaire pour le fret? Quelle est notre position? Si toutes les conditions sont réunies, comptez-vous reprendre cette liaison transfrontalière dans le prochain contrat de gestion de la SNCB, si tant est qu’on ne doive le faire que pour le fret?
Eric Thiébaut (PS): Je vais compléter l’exposé de Mme Dieu qui était parlementaire avant moi et connaît tout l’historique du dossier. Il se fait que je suis aussi bourgmestre de la commune voisine de Quiévrain et qu’à ce titre, j’ai été contacté par les autorités françaises au sujet du tramway, ce qui explique mon intervention d’aujourd’hui. D’une part, je suis très sensible au développement économique de la région de Mons-Borinage. Je souhaitais donc attirer votre attention sur ce projet transfrontalier de création d’une première ligne de tramway franco-belge qui permet de relier Valenciennes à Quiévrain et par extension Mons à Bruxelles.
À l’initiative du ministre Jean-Louis Borloo, maire en exercice de Valenciennes, et du SITURV (Syndicat intercommunal des Transports urbains de la Région de Valenciennes), les Français souhaiteraient effectivement étendre leur réseau actuel de tramways qui est en service aux alentours de Valenciennes depuis juillet 2006 et le faire aboutir outre la frontière franco-belge à la gare de Quiévrain. D’une longueur de 13,5 kilomètres, cette extension dont la mise en service serait effectuée dans le courant de l’année 2011 aurait pour caractéristique majeure de quitter la voie routière et d’aller partager la plate-forme de la voie ferrée internationale Valenciennes-Mons pour traverser la frontière et avoir son terminus dans la gare SNCB de Quiévrain.
De la sorte, la santé économique de nos voisins français autour de Valenciennes pourrait contribuer à dynamiser encore davantage une région de Mons-Borinage en moins bonne forme pour l’instant. Parmi les autres avantages, cette ligne constituerait aussi une facilité substantielle pour les voyageurs venant de Valenciennes et du Nord-Pas-de-Calais. Actuellement, comme ma collègue l’a dit, ceux-ci doivent souvent transiter par Lille pour rejoindre en train Quiévrain, Saint-Ghislain et Mons. En outre, cette liaison permettrait de mettre le centre de Valenciennes à 100 minutes à peine de Bruxelles grâce aux nombreuses liaisons ferroviaires existantes à la gare de Quiévrain.
J’entretiens des contacts avec les responsables du SITURV (Syndicat intercommunal des Transports urbains de la Région de Valenciennes) qui m’ont présenté récemment leur projet. Le président m’a rappelé voici une dizaine de jours, car il leur faut rencontrer dans l’urgence des décideurs de la SNCB. En effet, le SITURV a l’opportunité de recevoir deux millions d’euros de fonds européens dans le cadre du programme « Interreg », en collaboration avec un partenaire hollandais qui réalise une jonction ferroviaire entre les Pays-Bas et l’Allemagne. Or, pour eux, le temps presse, car ils doivent respecter les échéances afin de déposer le dossier franco-belge, et ils ne peuvent le faire s’ils n’ont pas obtenu l’accord des autorités belges sur l’utilisation des quelques centaines de mètres de voies désaffectées entre la frontière et la gare de Quiévrain.
Le président du SITURV, M. Decourrière, ancien député européen proche du ministre Borloo, et dont la fille siège comme ministre dans le gouvernement français, serait prêt à vous recevoir avec un membre du gouvernement français en vue de conclure et de médiatiser un accord.
Madame la ministre, pourriez-vous nous donner votre avis sur le projet et sur la proposition de rencontre? Pour ma part, j’estime qu’il s’agit d’un projet très novateur, dans la mesure où ce serait la première fois qu’une ligne de tramway traverserait une frontière nationale en Europe.
Je me permets également d’insister sur le caractère très urgent de ma demande pour les raisons évoquées plus haut. Je vous avais d’ailleurs confié un dossier en mains propres lors de la dernière séance plénière.
Inge Vervotte, ministre: Monsieur le président, dans le cadre du contrat de gestion actuel, une étude est en cours sur la desserte Valenciennes. Plusieurs scénarios ont été étudiés par les autorités françaises dont certains prennent en compte les trains de marchandises et d’autres privilégient le transport de voyageurs en train ou en tramway.
En juillet 2007, Infrabel a été informée par la commune de Quiévrain du projet de tramway Valenciennes-Quiévrain, développé par le SITURV. Une pré-étude démontre qu’il devrait être possible d’accueillir une voie de tram sur l’assiette de la ligne ferroviaire entre la frontière et la gare de Quiévrain, et ce, sans rendre impossible une éventuelle réouverture du tronçon d’une ligne Quiévrain-frontière. En novembre 2007, Infrabel a rencontré les services de la commune de Quiévrain à ce propos.
Depuis l’existence du projet de tramway, Infrabel n’a pas reçu d’information confirmant la poursuite du projet ferroviaire développé sur le territoire français. La presque totalité du tronçon de voie ferrée entre Quiévrain et Valenciennes est située en territoire français. La décision d’une réouverture éventuelle dépend donc essentiellement d’une volonté française.
Actuellement, la communauté d’agglomération de Valenciennes Métropole souhaite que soit créée une ligne de tram plutôt qu’une remise en service de la voie ferrée. La ligne de tram aboutirait sur la place de la gare même de Quiévrain. La réalisation sur le territoire belge des travaux nécessaires à la reprise de la liaison transfrontalière Mons-Valenciennes ne pose pas de problème spécifique à Infrabel. N’oublions pas qu’il s’agit d’un investissement de 50 millions d’euros par la France et seulement de 2 millions d’euros pour nous.
Au départ du projet, la France a toujours signalé son intérêt principal pour un trafic voyageurs plutôt que marchandises. Je traiterai le sujet lors des discussions concernant le nouveau contrat de gestion dont le light rail (investissement et exploitation) est un point de discussion. Cependant, comme vous le savez, pour ce dossier, tout dépend en premier lieu des décisions prises par la France.
Pour conclure, à ce jour, je n’ai pas reçu d’invitation à une rencontre de la part du président du SITURV.
Camille Dieu (PS): Quand ils parlent d’un tramway, s’agit-il d’un light rail?
Inge Vervotte, ministre: Je suppose.
Camille Dieu (PS): Les trams ne peuvent pas utiliser les voies de chemin de fer car l’écartement est différent. Il doit donc bien s’agir d’un light rail.
Cela me convient si l’on procède de la sorte et si cela n’entraîne pas d’investissements plus importants que ceux qui avaient été imaginés. Vous avez cité un chiffre de deux millions d’euros, ce qui était déjà le cas pour le train.
Sommes-nous intéressés par une ligne de fret? Dans l’affirmative, il s’agira alors d’un vrai train car on ne transporte pas de marchandises avec un light rail. Tant mieux si le projet de tram se réalise mais qu’en sera-t-il du transport des marchandises? Existe-il une étude à ce sujet? Le degré de nécessité est-il identique à celui identifié en 2003?
Eric Thiébaut (PS): Monsieur le président, je remercie la ministre pour ces éclaircissements. Je pense que dans les deux jours qui viennent, elle recevra certainement une invitation du président du SITURV car il est très pressé concernant ce dossier, qui est déjà bien engagé dans les services de la ministre.
En France, il y a une opposition citoyenne de certains villages pour la réouverture de la ligne. Les Français ont préféré utiliser un tramway qui rencontre un très grand succès dans le centre de Valenciennes. Le tramway qui serait en service serait du même modèle que celui de Valenciennes.
Cette utilisation du petit morceau de voies ferrées entre la frontière française et la gare de Quiévrain, qui ne fait que quelques centaines de mètres, n’hypothèque pas la future remise en service de la ligne pour du fret. Pour nous, c’est une opération qui n’hypothèque pas du tout les futures communications internationales en termes de transport de marchandises.
Comme ma collègue, je dirais que nous allons attendre de voir. Madame la ministre, je vais m’adresser au président du SITURV pour qu’il vous rencontre très rapidement à Valenciennes ou à Bruxelles.
Inge Vervotte, ministre: B-Cargo est intéressé; cela ne pose donc aucun problème de son côté. Mais tout dépend de la volonté française.
Eric Thiébaut (PS): Elle existe!